Edouard
Manet

Edouard Manet, Lola de Valence, eau-forte

Lola de Valence

Moreau-Nélaton 3, Guérin 23, Harris 33, Fisher 25, Wilson-Bareau 34

eau-forte et aquatinte, 1862, sur chine volant blanc, le fort rare 5ème état (sur 8), avec le premier plan raccourci pour inclure le quatrain de Baudelaire, mais avant la lettre de la première édition de la Société des Aquafortistes (1863), une superbe épreuve aux grandes marges (bien que quelque peu irrégulières latéralement et rabattues verticalement d'un peu près 10mm des bords), la feuille entière, avec les marquages d'origine de teinture bleue sur les bords supérieur et inférieur, traces de charnières d'un ancien montage au verso, autrement en impeccable condition

P. 262x183mm., F. 440x345mm.

Provenance: la collection Henri M. Petiet, avec le timbre HMP au verso (non cité dans Lugt)

Premièrement, cette exceptionelle épreuve du 5ème état est de la plus insigne rareté. Wilson-Bareau n'identifie qu'une seule épreuve connue (voir le catalogue de la Galerie Berès, Paris, 1978, et le catalogue de l'exposition Manet, RMN, 1983), celle de la collection Moreau-Nelaton, aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale, Paris, tirée en un riche bistre sur chine volant, tandis que l'épreuve présentée ici est tirée en un noir somptueux.

Nous avons eu l'opportunité d'examiner l'épreuve à la BN, qui se conforme de très près à celle présentée ici, surtout en ce qui concerne la qualité de l'aquatinte à grain fin, appliquée dans le 3ème état, les fort délicates incisions sur l'index de la main droite et sur la base de l'éventail qui apparaissent dans le 4ème état, et les retouches de pointe sèche sur le pompons pendant de côté et d'autre de la jupe qui caractérisent les nouveaux travaux "definitifs" du 5ème état.

Cet état ci, antérieur à l'édition de 1863, ne doit pas se confondre avec le 7ème état tardif, la lettre effacée, dont les épreuves montrent inévitablement des traces de l'adresse, ainsi que de l'usure sur l'aquatinte, sur les détails fins du visage et des cheveux, et sur les zones richement sombres le long de la taille de la jupe, sans faire mention de la complète absence de barbes sur les retouches de pointe sèche.

Cette belle estampe, une adaptation du celèbre tableau de Manet qui provoqua un scandale en 1867, est en outre le seul témoignage de la conception originelle du tableau avec un fond uni et neutre, qui a été modifié, selon Tabarant, en un décor plus théatral "sur les conseils de ses amis". Par ailleurs il faut noter que cette estampe, comme Pierre Daix (1983) l'a remarqué, est plus qu'une simple popularisation ou une "savante" reproduction de l'oeuvre, mais plutôt un moyen de contrôler sa peinture par un "changement de medium". En bref, Manet réinvente une vision de son art à travers la technique graphique.