Corot |
F. 223 x 166 mm |
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Provenance: Constant
Dutilleux (voir la note ci-dessous), avec son timbre, recto, en bas à
droite (Lugt 2914)
Cet important cliché-verre
dans un style accompli, montre un paysage italianisant que Corot
affectionnait particulièrement, mettant en scène le deux poétes, en bas
à droite, au bord d'un forêt.
Corot reprenait rarement des
thèmes littéraires, mais il a sûrement lu la Divina
Commedia de Dante:
Le Premier Canto s'ouvre "dans
un bois sombre" ("per una selva oscura")
où Dante s'est égaré, et décrit par la suite les trois bêtes effrayantes qui le confrontent, une panthère ("una lonza"), un lion ("un leone"), et une louve ("una lupa"), qui le repousse;
en fuyant de plus en plus profond, il entr'aperçoit une forme, qu'il
supplie
("Miserere di me"), sans
savoir si c'est un spectre ou un homme...
Travaillé avec un raffinement esquissé mais vif, le traitement graphique de ce cliché-verre rend le sujet avec un rythme vibrant qui oscille entre réalisme, classicisme, et romantisme.
Il faut rappeler en outre qu'il n'y avait pas de tirages tardifs de cette oeuvre par Bouasse-Lebel ou Sagot-Le Garrec.
* Techniquement parlant,
le cliché-verre était alors un médium photographique novateur, inventé
par Constant Dutilleux et son beau-frère, Charles Desavary. En
prenant une plaque de verre recouverte d'une couche opaque de
collodion, l'artiste dessine à la pointe, et puis pose la plaque (comme
une sorte de négatif) sur une feuille de papier photosensible qui, une
fois exposé à la lumière, serait développé comme une
photographie. Corot a découvert ce processus lors d'un voyage
chez ses amis à Arras, en 1853, et par la suite il a réalisé plus de 60
clichés-verre, sur vingt années.
Cette technique, compte tenu des variables multiples dans la
préparation du papier, le temps d'exposition, etc., a donné lieu à
divers effets qui furent beaucoup plus difficiles à contrôler que ceux
des tirages de la gravure classique. Et on peut même supposer que
Corot a été intrigué par cette variété d'effets, qui à son tour
nourrissait son effort créatif.
N.B. Un croquis au fusain de Dante
et Virgile, aujourd'hui au Musée du Louvre ( RF3354 ), a été
réalisé par Corot au printemps de 1859 lors d'une autre visite chez
Dutilleux à Arras, afin de donner à son ami une idée du tableau sur le
même sujet, qui était alors exposé au Salon de 1859 (voir Claude Bouret
et al., Corot, le Génie du Trait
, BNF , 1996, n° 96, 97 et 152 ) .