Camille
Corot

Corot, Dante and Virgil, cliché verre

F. 223 x 166 mm

Dante et Virgile

Robaut 3195, Delteil 76, Melot 76

cliché-verre*, 1858, sur papier vélin fin (papier salé), seul état connu, une très belle épreuve, tiré en brun-bistre, coupé comme à l'habitude au trait carré (l'image bien complet), du très rare premier tirage de Charles Desavary, montée sur charnières, en excellent état

Provenance: Constant Dutilleux (voir la note ci-dessous), avec son timbre, recto, en bas à droite (Lugt 2914)

Cet important cliché-verre dans un style accompli, montre un paysage italianisant que Corot affectionnait particulièrement, mettant en scène le deux poétes, en bas à droite, au bord d'un forêt.

Corot reprenait rarement des thèmes littéraires, mais il a sûrement lu la Divina Commedia de Dante:

Le Premier Canto s'ouvre "dans un bois sombre" ("per una selva oscura") où Dante s'est égaré, et décrit par la suite les trois bêtes effrayantes qui le confrontent, une panthère ("una lonza"), un lion ("un leone"), et une louve ("una lupa"), qui le repousse; en fuyant de plus en plus profond, il entr'aperçoit une forme, qu'il supplie ("Miserere di me"), sans savoir si c'est un spectre ou un homme...

Travaillé avec un raffinement esquissé mais vif, le traitement graphique de ce cliché-verre rend le sujet avec un rythme vibrant qui oscille entre réalisme, classicisme, et romantisme.

Il faut rappeler en outre qu'il n'y avait pas de tirages tardifs de cette oeuvre par Bouasse-Lebel ou Sagot-Le Garrec.



*  Techniquement parlant, le cliché-verre était alors un médium photographique novateur, inventé par Constant Dutilleux et son beau-frère, Charles Desavary.  En prenant une plaque de verre recouverte d'une couche opaque de collodion, l'artiste dessine à la pointe, et puis pose la plaque (comme une sorte de négatif) sur une feuille de papier photosensible qui, une fois exposé à la lumière, serait développé comme une photographie.  Corot a découvert ce processus lors d'un voyage chez ses amis à Arras, en 1853, et par la suite il a réalisé plus de 60 clichés-verre, sur vingt années.

Cette technique, compte tenu des variables multiples dans la préparation du papier, le temps d'exposition, etc., a donné lieu à divers effets qui furent beaucoup plus difficiles à contrôler que ceux des tirages de la gravure classique.  Et on peut même supposer que Corot a été intrigué par cette variété d'effets, qui à son tour nourrissait son effort créatif.

N.B.  Un croquis au fusain de Dante et Virgile, aujourd'hui au Musée du Louvre ( RF3354 ), a été réalisé par Corot au printemps de 1859 lors d'une autre visite chez Dutilleux à Arras, afin de donner à son ami une idée du tableau sur le même sujet, qui était alors exposé au Salon de 1859 (voir Claude Bouret et al., Corot, le Génie du Trait , BNF , 1996, n° 96, 97 et 152 ) .